La CJUE sonne le glas des accords-cadres sans maximum

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L’acheteur est-il obligé d’indiquer l’estimation et le montant maximum de ses futures commandes lorsqu’il lance un accord cadre ? La question n’est pas nouvelle... mais la réponse de la CJUE est très claire !

La commission de recours en matière de marchés publics danoise se tourne vers la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour l’interprétation du droit communautaire en matière d’accord-cadre. L’avis de marché doit-il préciser les quantités et/ou valeurs estimées des produits à fournir ? La publicité ou le cahier des charges doit-il indiquer une quantité maximale et/ou une valeur maximale des commandes ?

La solution du litige n’est pas anodine pour les acheteurs publics français. « Les accords-cadres peuvent être conclus : 1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ; 2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ; 3° Soit sans minimum ni maximum » prévoit l’article R. 2162-4 du code de la commande publique.
 

Publicité des estimations et des maximums obligatoire ?


La CJUE relève que « certaines dispositions de la directive 2014/24, prises isolément, peuvent laisser entendre que le pouvoir adjudicateur dispose d’une marge d’appréciation quant à l’opportunité d’indiquer, dans l’avis de marché, une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre ». Parmi ces éléments la locution « le cas échéant ». La formule est présente dans le formulaire de publicité à la rubrique "Valeur totale estimée". Le choix est laissé au pouvoir adjudicateur de remplir ou non la case, comme le confirme la note en bas de page du formulaire. Par ailleurs, la directive 2014/24 dispose « qu’un accord-cadre a pour objet d’établir, « le cas échéant », les quantités envisagées ».

« La seule interprétation littérale desdites dispositions n’est pas concluante » pour la CJUE. Elle note qu’en vertu de dispositions de la directive, l’acheteur doit déterminer le contenu de l’accord-cadre. Elle s’appuie également sur l’économie générale du texte et les principes d’égalité de traitement et de transparence. Le pouvoir adjudicateur doit estimer la valeur maximale des marchés qu’il entend passer à l’appui de l’accord-cadre. Il est donc à même de communiquer cette information aux candidats.

La cour cite son arrêt C 216/17 rendu sur le fondement de la directive 2004/18, dont les termes sont identiques à celle en vigueur. « […] s’il n’est assujetti qu’à une obligation de moyens lorsqu’il s’agit de préciser la valeur et la fréquence de chacun des marchés subséquents à passer, le pouvoir adjudicateur originairement

Le pouvoir adjudicateur doit estimer la valeur maximale des marchés qu’il entend passer à l’appui de l’accord cadre. Il est donc à même de communiquer cette information aux candidats

 partie à l’accord-cadre doit, en revanche, impérativement préciser, quant à l’accord-cadre lui-même, le volume global, et donc la quantité et/ou la valeur maximale, dans lequel pourront s’inscrire les marchés subséquents ».
La cour met en avant une autre conséquence de l’absence de maximum : cela « serait également susceptible, d’une part, de priver d’effet utile la règle […] selon laquelle les marchés fondés sur l’accord-cadre ne peuvent en aucun cas entraîner des modifications substantielles des termes fixés dans ledit accord-cadre, et, d’autre part, de caractériser une utilisation abusive ou une utilisation visant à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence ».

Conclusion : « l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aura été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets. »
 

Comment s’y prendre ?


La quantité ou valeur maximale de l’accord-cadre peut se trouver dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges. Une condition à remplir : l’ensemble des documents doit être accessible sans restriction, de manière directe, électroniquement et gratuitement, et ce, dès la publication de l’avis de marché.
« En revanche, ces principes ne seraient pas satisfaits dans l’hypothèse où un opérateur économique désirant accéder audit cahier des charges afin d’évaluer l’opportunité de soumissionner serait contraint d’exprimer, au préalable, un quelconque intérêt auprès du pouvoir adjudicateur » précise la cour.

L’estimation et le maximum doivent être indiqués de manière globale. Si cela suffit à respecter ses obligations, rien n’interdit à l’acheteur de donner plus de précisions.
 

Conséquences de l’absence d’indications


« L’absence de publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive 2014/24, prive d’effets le marché concerné, ou comme en l’occurrence, l’accord-cadre concerné. »
Dans l’affaire présentée à la CJUE, bien que la quantité et/ou la valeur estimée, et la quantité et/ou la valeur maximale des produits à fournir ne figuraient ni dans la publicité ni dans le cahier des charges, la cour juge disproportionnée de priver d’effet le marché. Un avis de publicité est paru et le cahier des charges était accessible. « En effet, le manquement du pouvoir adjudicateur à son obligation de mentionner l’étendue d’un accord-cadre est, dans un tel cas, suffisamment perceptible pour pouvoir être décelé par un opérateur économique qui entendait soumissionner et qui devait, de ce fait, être considéré comme étant averti ».


Consultez le dossier d’achatpublic.info : Accord-cadre : sans minimum, sans maximum… mais aussi sans limites ?
 

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