[Tribune] Élus et acheteurs publics, ne mettez pas les bureaux d’études à l’arrêt !

  • 16/04/2020
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C'est une alerte que lance Bénédicte de Lataulade :" lorsqu’une crise d’une telle ampleur et aussi soudaine que celle du Covid19 survient, c’est ensemble que maîtres d’ouvrage publics et prestataires doivent y faire face". La présidente de l’Association des consultants en aménagement et développement des territoires (ACAD) l'assure, " il faut poursuivre le travail et les réflexions engagés".

Les années électorales sont toujours une période économiquement difficile pour les prestataires des collectivités locales. Les études et les travaux sont achevés plusieurs mois avant les échéances, et les nouveaux projets ne seront mis en consultation que plusieurs mois après l’installation des nouvelles équipes municipales. On le sait ; on l’anticipe ; on le gère. Mais lorsqu’une année électorale s’accompagne d’une crise sanitaire sans précédent, c’est la pérennité même des bureaux d’études qui est remise en question ! 
L’année 2020 est à ce double titre « l’année de tous les dangers ». L’Association des Consultants en Aménagement et Développement des territoires (ACAD) représente de nombreux prestataires, tous investis dans l’accompagnement des élus et des techniciens pour réussir, ensemble, les projets d’aménagement urbain des collectivités et leurs établissements publics. Lorsqu’une crise d’une telle ampleur et aussi soudaine que celle du Covid19 survient, c’est ensemble que maîtres d’ouvrage publics et prestataires, doivent y faire face.
 

Chaîne de traitement et de paiement des fournisseurs et prestataires

Même si depuis quelques années nous avons vu une amélioration des délais de paiements, nous sommes encore trop nombreux à constater que le délai moyen est plus proche de 60 jours que des 30 jours règlementaires.

Depuis maintenant plus d'un mois que la France est confinée, les alternatives aux pratiques habituelles de travail tardent à se mettre en place. Les services de nombreuses collectivités tournent au ralenti, voire sont à l’arrêt, notamment la chaîne de traitement et de paiement des fournisseurs et prestataires.
L’ACAD lance un cri d’alerte aux collectivités locales et aux services du Trésor public : ils ne peuvent rester indifférents aux situations d’urgence que vivent les entreprises, notamment en matière de trésorerie. La plupart des prestataires sont des PME voire des TPE dont la pérennité est entièrement liée à la régularité des paiements. Même si depuis quelques années nous avons vu une amélioration des délais de paiements, notamment depuis la mise en place de Chorus, nous sommes encore trop nombreux à constater que le délai moyen est plus proche de 60 jours que des 30 jours règlementaires.

Déjà en 2018, l’Observatoire des délais de paiement écrivait dans son rapport annuel : « Les retards de paiement sont particulièrement incompréhensibles quand le client s’avère être l’État, une collectivité́ territoriale, une entreprise publique ou un établissement hospitalier. Le coût économique et social global, notamment en termes d’emplois, de la fragilisation et des faillites d’entreprises dues à̀ ces retards, pèse directement sur la sphère publique. Ce qui pourrait être gagné d’un côté est perdu de l’autre. De nombreux acheteurs publics ont déjà̀ réagi. Les autres doivent prendre des mesures fortes pour améliorer leurs pratiques de délais de paiement. L’exemplarité́ de la sphère publique est un impératif économique, social et de principe ».
Dans la continuité des différents textes pris par le Gouvernement depuis le 14 mars, le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales a publié une recommandation le 21 mars 2020 sur la "continuité des services publics locaux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire". Parmi ces recommandations, le maintien des services de paie des agents territoriaux, l’engagement des dépenses et le règlement des factures sont une priorité.

Les créances des entreprises avec le secteur public représentent de manière permanente près de 50% de leur chiffre d’affaires.

Les mesures d’accompagnement qui se mettent en place (report ou étalement des charges, facilités de crédits, chômage partiel…) ne doivent pas faire oublier que les créances des entreprises avec le secteur public représentent de manière permanente près de 50 % de leur chiffre d’affaires. C’est-à-dire que les missions ont été réalisées, validées, facturées, mais qu’elles sont en attente de paiement.


Poursuivre les missions

L'activité peut être maintenue avec des outils simples : comment expliquer que les missions déjà décidées et votées ne soient pas engagées ou que le lancement des consultations soit reporté ?

Au-delà des délais de paiement qui doivent être plus que jamais respectés, voire accélérés, l’ACAD souhaite également alerter les collectivités locales sur la nécessité de poursuivre les missions déjà engagées, analyser les offres des consultations en cours, maintenir les séances de commissions d’appel d’offres, et toutes les réunions prévues pour lesquelles le résultat des élections municipales n’a pas d’incidence.
Si le télétravail, la téléconférence ou la visioconférence ne sont pas des pratiques habituelles dans les relations entre les prestataires et les maîtres d’ouvrage publics, la crise sanitaire, qui pourrait durer, nous oblige de fait à bouleverser ces habitudes. Certaines collectivités ont pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité des réunions. Leur activité est maintenue avec des outils simples, commercialisés la plupart du temps à titre gratuit. Alors, comment expliquer que l’instruction du droit des sols soit suspendue, que les missions déjà décidées et votées ne soient pas engagées ou que le lancement des consultations soit reporté ?

Les collectivtés courent le risque de voir disparaître le tissu économique de proximité et des prestataires avec qui elles avaient noué des relations de confiance.

L’incertitude sur la date et les modalités du déconfinement, aggravée par le spectre d’un report des élections municipales à l’automne, affaiblissent les bureaux d’études qui risquent de tirer un trait sur l’année 2020 si les collectivités locales ne prennent pas la mesure des difficultés qu’ils rencontrent. Elles courent le risque de voir disparaître le tissu économique de proximité et des prestataires avec qui elles avaient noué des relations de confiance.

C’est pour cela que nous demandons à l’ensemble des acheteurs publics de prendre la mesure des difficultés qui s’imposent aujourd’hui aux consultants, mais qui s’imposeront également demain à elles, si elles ne réagissent pas en s’adaptant le plus vite et le mieux possible à cette situation de crise pour assurer la continuité de leurs services.
Faisons de cette période inédite une occasion d’innover dans nos pratiques et nos modes de travail, pour en tirer des bénéfices et rebondir dans la société de l’après Covid19.