De la friture dans les cuisines de la Marine nationale

  • 26/03/2009
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A l’occasion de marchés passés par la Défense au profit de la Marine, le Conseil d’Etat sera bientôt amené à préciser l’utilisation des procédures d’accord-cadre et des marchés à bons de commande.

Le droit communautaire impose aux acheteurs publics d’indiquer la valeur totale des fournitures pour toute la durée d’un accord-cadre (annexe VII A de la directive 2004/18 sur les marchés publics). Le règlement CE du 7 septembre 2005 (n°1564/2005) exige lui aussi une estimation de cette valeur ou du moins une fourchette. Dans l’avis de publicité relatif à l’une de ses procédures passées pour l’achat de fournitures de matériels de cuisine destinés aux centres de restauration militaire de la marine nationale de Brest et de la région parisienne, le ministère de la Défense a simplement fait mention, dans l’avis de publicité , de l’achat de 171 articles...  La jurisprudence Communauté d’agglomération de l’Artois du 24 octobre 2008 (1) rappelle, pour sa part, qu’il est nécessaire de faire figurer, à titre indicatif et prévisionnel, les quantités ou des éléments permettant d'apprécier l'étendue du marché pour les marchés à bons de commande passés sans minimum ni maximum, même s’il ne s’agit pas là d’accords-cadres au sens du marché passé par le ministère de la défense.  En audience devant le Conseil d’Etat le 23 mars, le rapporteur public, Nicolas Boulouis, a estimé insuffisante l’information fournie par le ministère et considéré que l’absence dans l’AAPC de la valeur estimée des fournitures pouvait effectivement avoir lésé le réseau Gasel, requérant dans l’affaire. En vertu de la jurisprudence Smirgeomes, il a donc proposé l’annulation de la procédure. Le requérant n’avait semble-t-il pas vraiment détaillé en quoi il pouvait avoir été lésé, mais « la jurisprudence SMIRGEOMES n’exige pas de démonstration précise de la lésion » a justifié le rapporteur public.

« Le code des marchés publics ne restreint pas l’utilisation du marché à bons de commande »

Il a en revanche donné raison à l’Etat pour une deuxième procédure portant cette fois sur l’achat de matériels de cuisson et de maintien en température. Il s’agissait-là d’un marché à bons de commande et non plus d’un accord-cadre (au sens français de la distinction).  Le réseau Gasel reprochait à l’Etat d’avoir utilisé cette procédure alors que le besoin semblait prévisible. « Le code des marchés publics ne restreint pas l’utilisation du marché à bons de commande », a rétorqué Nicolas Boulouis. Qui plus est, le nombre important de matériels demandés et le nombre variable de personnel exigeait, selon lui, une certaine « adaptabilité » justifiant l’utilisation de ce type de procédure.  Autre grief invoqué par le réseau Gasel : le ministère de la Défense n’aurait pas indiqué que l’usage de la négociation faisait suite à l’échec d’une procédure précédente, empêchant ainsi la vérification d’une éventuelle modification des conditions initiales du marché. Mais ces informations ne figuraient pas, semble-t-il, dans le dossier présenté devant le Conseil d’Etat. Par ailleurs, le cahier des charges aurait décrit des matériels propres à certaines marques. Mais là encore, il n’est pas démontré que seuls ces matériels étaient valables. Le Mindef n’aurait pas mentionné de délais pour la validité des offres. Pour le rapporteur public, si cette information est généralement présente dans le règlement de consultation, le Code des marchés publics n’oblige pas à l’indiquer.

Seul le droit communautaire l’impose (rubrique IV.3.7 des avis de marchés fixées par le règlement CE du 7 septembre 2005) mais uniquement en cas de procédure ouverte. En l’espèce, cela était « sans incidence sur la régularité de la procédure » a conclu Nicolas Boulouis. Enfin, dans une autre série de moyens, le requérant reprochait au ministère de ne pas avoir fixé de niveaux minimum de capacités. Argument vite balayé par le rapporteur public. L’article 52 du code des marchés publics n’impose pas d’en fixer (2). Il a donc proposé de rejeter les conclusions présentées par le réseau Gasel contre cette seconde procédure… Après toutefois avoir demandé aux sages du Palais-Royal de casser les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Rennes qui avait initialement annulé les deux procédures. Celui-ci a en effet, selon le rapporteur public, commis une erreur de droit en sanctionnant les deux consultations en jugeant que la rubrique VI-4 relative aux recours de l’avis de publicité était insuffisamment renseignée. Nicolas Boulouis a rappelé, en s’appuyant notamment sur la toute nouvelle jurisprudence Savigny-sur-Orge du 6 mars dernier, que les acheteurs publics n’étaient pas tenus de remplir la rubrique VI-4-2 si la VI-4-3 était remplie.

(1)  L’article 77 éclairci
(2) Niveaux minimaux de capacités : le Conseil d’Etat clôt le débat
(3) Niveaux de capacités et case recours : encore un peu plus de souplesse