Sélection des candidatures : fournir une information appropriée aux candidats

  • 26/02/2010
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Une décision du Conseil d’Etat rendue mercredi 24 février 2010 vient compléter la jurisprudence ANPE du 30 janvier 2009 concernant cette fois les critères de sélection des candidatures pour les MAPA restreints. Les grands principes de la commande publique s’imposent. En revanche, il n’est pas nécessaire de publier les conditions de mise en œuvre de ces critères.


Transparence, liberté d’accès, égalité de traitement des candidats, encore une fois le Conseil d’Etat rappelle dans sa décision du 24 février la primauté des grands principes de la commande publique sur toutes les procédures de marchés (1). Ces principes s’imposent à tous, y compris en matière de procédure adaptée prévue à l’article 28 du CMP. Cela implique pour les pouvoirs adjudicateurs de donner aux candidats une information appropriée sur les critères d’attribution du marché, comme le précisait déjà l’arrêt ANPE (2). Dans sa décision du 24 février, la haute juridiction avance encore d’un pas supplémentaire puisqu’elle applique la même logique aux critères de sélection des candidatures des MAPA pour lesquels le nombre de candidats est limité. Il appartient aux pouvoir adjudicateurs « d’assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à disposition des candidats ». Deux rapporteurs publics du Conseil d’Etat s’étaient déjà prononcés pour cette option dans leurs conclusions. Le 23 janvier 2009, Bertrand Dacosta invitait les sages du Palais-Royal « à juger que l’information des candidats doit porter non seulement sur les critères d’attribution des marchés, et, le cas échéant, sur les critères de sélection des candidatures ». Le 10 février 2010, Nicolas Boulouis indiquait : « ce qui vaut pour les offres vaut a priori pour les candidats ».

Pas les conditions de mise en oeuvre

A une nuance près : « cette information appropriée des candidats n’implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures », est-il écrit noir sur blanc dans l’arrêt du Conseil d’Etat. Dans l’affaire jugée, le doute était permis car il s’agissait d’un MAPA avec un nombre limité de candidats. Dans ses conclusions, Nicolas Boulouis avait rappelé la différence d’objectif entre la sélection des candidatures et la sélection des offres. Pour ces dernières, connaître les modalités de mise en œuvre constitue une information capitale qui peut largement influer sur la proposition. Pour les candidatures, l’enjeu est différent puisqu’il est demandé des « données sur lesquels les opérateurs ne peuvent rien » entre l’avis de marché et la date de réception de la candidature : difficile en effet de modifier le montant d’un chiffre d’affaires réalisé sur les trois dernières années ou les références passées … Aussi les modalités de mise en œuvre de critères de sélection des candidatures n’ont « pas d’incidence a priori sur le comportement des entreprises » avait alors analysé le rapporteur public, en modérant toutefois ses propos pour les cas de co-traitance ou de sous-traitance. Qui plus est, imposer la publication des modalités de mise en œuvre aurait créé une nouvelle obligation susceptible de léser les candidats évincés, mais surtout de fragiliser les procédures, avait aussi noté Nicolas Boulouis.   

Documents ou renseignements à préciser

Il avait donc proposé d’annuler l’ordonnance du TA de Nîmes qui avait posé un principe de publication de modalité de mise en œuvre des critères. La haute juridiction l’a suivi. La procédure de passation de marché de la communauté de commune de l’Enclave des Papes sur laquelle portait le débat n’en fut pas pour autant sauvée, la collectivité ayant manqué de clarté dans ce quelle demandait aux candidats pour son marché relatif à l’électrification rurale, l’éclairage public et la « mise en discrétion des réseaux ». Dans son AAPC, elle indiquait : « conformité administrative des documents exigés à l’appui des candidatures, garanties et capacités techniques, financières et professionnelles ». Pour le Conseil d’Etat (comme pour le rapporteur public), « elle n’a aucunement porté à la connaissance des entreprises candidates les documents ou renseignements au vu desquels elle entendait procéder, sur la base de ces critères, à la sélection des candidatures ». Car il faut tout de même préciser les documents ou renseignements au vu desquels le pouvoir adjudicateur entend procéder. De même, en cas d’utilisation de niveaux minimaux de capacité.  Pour maître René-Pierre Clauzade, qui a plaidé la cause de l’entreprise évincée devant le TA, « la collectivité aurait dû préciser ce qu’elle entendait par conformité administrative car cette notion ne veut rien dire. Et les références demandées ne découlaient pas de l’objet du marché. La collectivité souhaitait la mise en discrétion des lignes électriques. On pouvait supposer qu’elle voulait enterrer les lignes. Or il a été reproché à mon client de ne pas avoir fourni de références pour le travail en aérien… Avec cette décision, le Conseil d’Etat introduit de la rigueur ». Quant à maître Sébastien Palmier (3), conseil de la collectivité devant le premier juge, son idée serait maintenant « d’éviter l’usage des MAPA restreints ou alors de choisir d’annoncer clairement les documents ou renseignements demandés en s’appuyant sur l’arrêté du 28 août 2006. Il faut être clair dans les attentes, quitte à indiquer deux fois les critères de sélections des candidatures ».

(1) CE 24 février 2010, Communauté de communes de l’Enclave des Papes, n°333569  CE 24 février 2010 Enclaves du pape (2.48 MB)
(2) Tous les marchés soumis aux grands principes de la commande publique     
(3) Faut-il indiquer les modalités de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures ?