Le DUME, ou le dernier clou dans le cercueil de l’analyse de la candidature ?

  • 03/02/2022
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"Aujourd'hui, il y a une confusion totale dans les administrations, et a fortiori chez les entreprises, sur la nature du DC1/DC2. Une confusion entre le fond et la forme" constate Jérôme André, gérant de MPC. Selon lui " Nous sommes aujourd’hui avec le DC1/2 dans un jeu de dupe ou l’administration ne sait pas ce qu’elle demande ; les entreprises ne savent pas ce qu’elles répondent …. et tout le monde est satisfait !"

Depuis un an, des demandes récurrentes de formation sur le DUME me parviennent. Afin de répondre à cette attente, je commence à travailler le sujet, à me documenter, à monter mon "power-point" etc… Avec une question, quand même : "pourquoi ce besoin, alors que l’AIFE a multiplié les tutos, les vade-mecum et autres "MOOC" "?
Un DUME, c’est juste un DC1, DC2 (et même 4) en version électronique, non ? Alors que 99 % des administrations et des entreprises ont adopté le DC1/2, le passage à la version électronique ne devrait donc pas poser de difficultés particulières. Devant cet a priori, j’ai « enquêté ». En voici le résultat.

99% des entreprises ne savent pas (ou pensent à tort savoir) à quoi sert un DC1/2 et plus de 3/4 des administrations non plus !

99% des entreprises ne savent pas (ou pensent à tort savoir) à quoi sert un DC1/2 et … plus de 3/4 des administrations non plus ! 

En droit, une administration doit analyser les candidatures, c'est-à-dire « vérifier l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, la capacité économique et financière et les capacités techniques et professionnelles des candidats » (CCP, art. R. 2144-3). Pour ce faire, elle peut demander des documents (CCP, art. R. 2143-11), dont la liste limitative se trouve en annexe 9 du code.

Afin de compiler l’ensemble des informations et autre attestation sur l’honneur, la DAJ de Bercy, dans un souci louable de faciliter l’accès des PME à la commande publique, a donc créé les DC1/2 . Le DC1/2 (et sa version électronique le DUME) est un classeur, un contenant ; la forme, par opposition au fond !
Or aujourd’hui, il y a une confusion totale dans les administrations, et a fortiori chez les entreprises, sur la nature du DC1/2. Une confusion entre le fond et la forme.
Voici ce qui est très fréquemment demandé :
  1. DC1
  2. DC2
  3. Une attestation sur l’honneur pour justifier qu'il n'entre dans aucun des cas mentionnés aux articles L. 2141-1 à L. 2141-5 et L. 2141-7 à L. 2141-10 du code de la commande publique.
  4. Une déclaration indiquant l’effectif moyen annuel et l’importance du personnel d’encadrement du candidat ….
  5. Une liste de références …
  6. Etc…
Parfois, la malice est poussée jusqu’à bien demander des documents sur fichier pdf séparé !

Cette présentation extrêmement fréquente indique que l‘acheteur ne sait pas que l’attestation sur l’honneur se trouve à l’article F1 du DC1, ou que les références peuvent être indiquées au chapitre G1 du DC2. La conséquence très concrète est que les entreprises remettent bien souvent un DC2 avec uniquement le chiffre d‘affaires plus un fichier pour les effectifs, un pour les références etc…

Les DC1 et DC2 imaginés et pensés pour compiler des informations sont devenus intrinsèquement des documents supplémentaires à produire… Pas facile, la simplification !


Le paradoxe de l’histoire est que les DC1 et DC2, imaginés et pensés pour compiler des informations, sont devenus intrinsèquement des documents supplémentaires à produire… Pas facile, la simplification ! 

Nous sommes aujourd’hui avec le DC1/2 dans un jeu de dupe ou l’administration ne sait pas ce qu’elle demande ; les entreprises ne savent pas ce qu’elles répondent … et tout le monde est satisfait.
Or le DUME avec des cases à cocher, c'est-à-dire des questions fermées conformes à la réglementation, met en lumière cette problématique. La formation sur le DUME est en partie consacrée à la mise à jour des connaissances sur l'acte de candidature avec des rappels du type: « si vous créez un DUME A vous ne pourrez plus analyser la candidature à l’aune du Kbis, de l’attestation des impôts et de l’URSSAF; vous m’en voyez désolé».

Et là vous vous dites : « Mais il est où le rapport avec le titre de l’article ? »

L’AIFE, sous le couvert louable d’aider les acheteurs, va tuer le peu qu’il reste de l’analyse de la candidature en marchés publics

L’AIFE a mis en place via l’application DUME une merveilleuse fonctionnalité : « Analyser des réponses ». Elle permet de comparer automatiquement les DUME des entreprises. Ainsi, l’applicatif fournit à l’acheteur un tableau avec des coches vertes quand « C’est bon » ; et des croix rouges quand « Ce n’est pas bon ».
En fait, l’outil ne contrôle absolument pas la pertinence de l’information (fond) fournie par l’entreprise, mais juste l’existence de l’information (forme). Etant donné la grande confusion qui règne entre le fond et la forme, l’outil est parfaitement adapté à la situation. La boucle est bouclée...

L’outil ne contrôle absolument pas la pertinence de l’information (fond) fournie par l’entreprise, mais juste l’existence de l’information (forme)

L’AIFE, sous le couvert louable d’aider les acheteurs, va tuer le peu qu’il reste de l’analyse de la candidature en marchés publics.

Sans vouloir jouer les Cassandre, je prédis, une fois que le DUME sera obligatoire (action 5 du Plan de transformation numérique), que les futures analyses des candidatures se feront en 2 minutes via cette application.
Ça sera le dernier clou dans le cercueil du concept d’analyse des candidatures.